Exclusif /Abdoulaye Traoré dit Ben Badi : « il ne suffit pas d'être un grand joueur pour diriger la FIF »

  • publiè le : 2019-11-10 17:47:57
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Exclusif /Abdoulaye Traoré dit Ben Badi : « il ne suffit pas d'être un grand joueur pour diriger la FIF »

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Premier invité de la « Tribune officielle » de la Team Sport d'Opera News, Abdoulaye Traoré dit Ben Badi, nouvellement nommé au Conseil économique social environnemental et culturel, était dans les locaux d'Opéra News mardi dernier. L'ex-goléador des Éléphants a fait un tour d'horizon sur sa carrière de footballeur, ses anciens coéquipiers, l'équipe nationale, etc. Sans détour, il est revenu sur la crise de confiance que vit le football ivoirien depuis quelques années. Les mauvais résultats des sélections nationales ont été également passés à la loupe.

Vous venez d'être nommé au Conseil économique social environnemental et culturel. Quels sont les sentiments qui vous animent ?

Avant tout propos, je voudrais remercier le Chef de l'Etat, le Premier ministre et son gouvernement pour cette confiance. C'est un sentiment de fierté qui m'anime. Et j'espère pouvoir être à la hauteur de la tâche qui vient de m'être confiée.

C'est la première fois que l'on assiste à la nomination d'un ex-sportif dans cette structure. Quel est le rôle qui vous est assigné ?

Nous attendons la première session pour être véritablement situé. Nous sommes prêt à accomplir la tâche qui nous sera confiée avec passion et amour. Il s'agira de toucher du doigt tous les problèmes de la population. Nous échangerons avec elle pour connaître ses besoins réels afin d'apporter notre expertise et nos expériences sur le terrain.

Abdoulaye Traoré est connu dans les stades. Il est également connu pour ses coups de gueules. Il n'y a pas longtemps, on a assisté à un clash entre vous et le président de la FIF, Sidy Diallo. Aujourd'hui on vous retrouve au sein de la DTN. Qu'est-ce qui explique ce changement de position ?

Ce n'est pas un changement de position. Parler de clash, c'est un peu fort. Nous avons tout juste dénoncé des choses que nous n'approuvions pas. Notre équipe nationale est le porte flambeau de l'Afrique. Il est inadmissible qu'on se fasse éliminer au premier tour d'une compétition. Nous avons constaté des comportements de certains joueurs qui ne faisaient pas honneur au pays. Ils n'avaient pas la tête à la compétition. Il fallait que je dénonce tout cela. Vous savez, nous n'avons pas pour habitude d'être un équilibriste. Quand ça ne va pas, il faut avoir la force et le courage de dénoncer et faire des critiques constructives. Nous avons été appelé à la DTN parce que nous avons les compétences requises, des diplômes pour travailler dans cette structure. Aucun sacrifice n'est de trop pour son pays. C'est notre domaine. Nous nous y connaissons. Nous nous sentons mieux que dans ce milieu.

Vous étiez récemment à la phase finale de la Coupe Ufoa au Sénégal, avec les Eléphants A'. Notre sélection a été éliminée en demi-finales. Qu'est-ce qui justifie cette campagne infructueuse ?

Beaucoup de choses sont rentrées en ligne de compte sinon l'entraîneur a joué sa partition. Par exemple, l'Asec Mimosas a refusé de donner ses joueurs. Il y a eu des cas de blessures. Par ailleurs, cette compétition constituait une étape à la préparation en vue des éliminatoires du CHAN contre le Niger. Malheureusement, nous n'avons pu nous qualifier au CHAN. Ce sont des expériences qui serviront pour les échéances à venir et à la carrière du sélectionneur.

Ex-sociétaire de l'Asec Mimosas, vous comptez toujours au nombre des légendes de ce club. Vous continuez d'entretenir de très bons rapports avec le PCA Roger Ouégnin, l'un des farouches opposants à la gestion de Sidy Diallo. Que faites-vous pour un rapprochement entre ces deux hommes, et bien sûr, pour la bonne santé du football ivoirien ?

Le Président Roger Ouégnin n'est pas aussi difficile qu'on le croit. C'est juste un problème de communication. C'est un bosseur. Il est très perfectionniste. C'est une crise qui passera. Mon rôle est de parler aux deux dirigeants pour l'intérêt du football ivoirien. Nous n'avons pas besoin de conflit en ce moment mais plutôt de cohésion.

Vous disiez dans le temps qu'il fallait que la Fédération revienne aux joueurs. Vous aviez à cet effet annoncé votre désir d'être candidat à la prochaine élection. Où en êtes-vous présentement ?

C'est une ambition noble, surtout que c'est dans ce milieu que nous avons fait toute notre carrière. Il a fallu que nous intégrions la DTN pour découvrir les réalités. Dans la vie, il y a des pas à faire, des étapes à franchir. Notre intégration dans cette structure nous permettra d'avoir un cursus solide. Il ne suffit pas d'être un grand joueur pour prétendre diriger la FIF. J'ai déjà eu à travailler avec le président Anouma. Je travaille présentement avec le président Sidy. Nous faisons des consultations et nous sommes avec tout le monde. Si l'occasion se présente, Je ne cracherai pas dessus.

Il est de plus en plus question de la candidature à la présidence de la Fif de l'un de vos cadets, Didier Drogba. Quel est votre avis sur ses ambitions ?

Comme nous l'avons dit plus haut, c'est une ambition noble. Permettez-nous de ne pas répondre. Il n'y a pas que Didier. On parle aussi de Kalou Bonaventure. Nous sommes désolé de ne pouvoir répondre à cette question. Nous prenons un joker. Le moment venu, vous saurez notre position.

Beaucoup de fans du ballon rond ivoirien estime que le football qui attirait du monde, à votre temps, n'est plus chatoyant. Quel est votre regard sur le football aujourd'hui ?

Le constat est malheureusement amer. A chaque génération son époque. Effectivement, à notre époque les stades étaient remplis. Cela avec peu de moyens. Avec beaucoup de moyens, les stades sont vides maintenant. On aurait dû travailler à la base, c'est-à-dire la formation. On aurait dû penser à la relève comme l'a fait Jean Marc Guillou avec les Académiciens. Malheureusement, à tous les coins de rue, on trouvait des pseudos centres qu'on a appelé abusivement centres de formation. A côté de cela, il a manqué la formation des formateurs. Nous avons une génération de joueurs aujourd'hui qui a beaucoup d'argent. Mais le talent ne se fabrique pas. Il s'acquiert et s'entretient. Il faut travailler à ce niveau et imposer un cahier de charges à tous les clubs qui espèrent évoluer au sein de l'élite. Il faut, à cet effet, refaire les états généraux du football.

Quel regard portez-vous sur le travail du sélectionneur Kamara ?

Nous avons été l'un des premiers à critiquer le coach Kamara, après la CAN. Nous n'avons pas été tendre avec lui, parce que pour gérer une sélection A, il faut avoir du coffre. Ça, nous le disons et le répétons toujours ! Arrivé à ce stade de responsabilité comme être le sélectionneur de l'équipe A, il faut éviter de gérer les états d'âmes et les humeurs des uns et des autres. Certes, tous les choix ne font pas l'unanimité mais il faut faire des choix compréhensibles. Donc, nous avons senti qu'il n'y avait pas cette âme en Egypte pendant la CAN. Et on n'était pas aussi rigoureux sur certains points. Nous avons dit ce que nous pensions. Nous croyons avoir fait des critiques constructives, raison pour laquelle on nous a fait appel pour apporter notre expertise et notre expérience. Cela nous permettra d'avoir souvent des échanges avec le sélectionneur. Et nous aussi, ça nous permettra d'apprendre et de passer les diplômes d'entraîneur qui manquent à notre cursus, entre autres les diplômes A CAF. Ça nous permettra également de gérer certaines émotions quand on est dans un staff technique.

Kamara Ibrahim cumule deux postes de sélectionneur, les U23 et les séniors. N'est-ce pas trop pour lui ?

Non ! Nous ne pensons pas que ce soit trop pour lui. C'est une question de volonté. Si la FIF a donné ces sélections à Kamara, c'est qu'il a les capacités pour cela. En plus les dates des compétitions de ces sélections ne se chevauchent pas. Nous pensons aussi qu'il a l'occasion de suivre la progression des U23 jusqu'en équipe A.

Si on vous demandait de proposer un sélectionneur à la sélection A, qui choisirez-vous ?

Malheureusement, nous ne faisons pas partie des décideurs; donc nous ne pouvons proposer personne. Mais pour les critères nous pouvons dire ceci : être rigoureux, avoir un vécu. L'équipe nationale de Côte d'Ivoire a connu de grands joueurs. Donc quand on vient en sélection, c'est bien d'échanger avec les joueurs, mais il faut un coach qui a surtout du caractère pour pourvoir gérer les émotions de certains joueurs. Notamment ceux qu'on appelle « les vedettes ». Pour cela, il faut être un entraîneur chevronné, qui a beaucoup d'expériences.

Gervinho qui n'avait pas été convoqué à la CAN 2019, et ça continue...

Nous avons donné notre avis à la CAN. Nous avons dit qu'au vu de l'effectif qui était au Caire, Gervinho avait sa place. Si Kamara n'a pas pris Gervinho, il sait pourquoi. Il a dit dans l'une de ses interviews qu'il assumait ses responsabilités. Nous croyons qu'il est la seule personne qui pourra nous donner exactement les raisons pour lesquelles il n'a pas pris Gervinho et continue de ne pas lui faire appel. Sinon, quand nous regardons le championnat Italien, nous voyons sa prestation. Il donne l'impression d'avoir encore ses jambes de 20 ans. Il le démontre par ses buts chaque week-end. Gervinho méritait une sortie avec beaucoup d'honneurs au vu de tout ce qu'il a apporté comme expérience, volonté, ainsi que l'âme qu'il a donnée à la sélection. Vous savez on peut avoir des coups de têtes, mais il est important de gérer les états d'âmes et les humeurs des joueurs avec beaucoup de finesse et de diplomatie.

On a connu l'Asec et l'Africa, surtout les chocs entre ces deux équipes. Ces deux formations vont mal depuis des décennies. Il en est de même pour le Stella, de même le Stade d'Abidjan. Plus de chocs Asec-Africa. Les clubs ivoiriens sont presqu'inexistants au niveau continental...

C'est un constat amer. Il y a l'équipe qu'on gère et il y a un club. Depuis 10 ans, l'Africa ne cesse de gérer les humeurs de certaines personnes. En somme, l'Africa ne vit que dans les problèmes. Par contre, à Sol Béni, vous voyez un club avec des installations. Aussi, le fait que le FC San Pedro soit à la Coupe d'Afrique ça n'étonne pas les friands du football, parce que ce club est en train de s'organiser. Allez sur la route d'Alépé, excusez-nous de le citer ainsi ! Ils sont en train de construire un vaste chantier avec des terrains et des bureaux. C'est un club qui a une organisation. C'est un constat malheureux pour l'Africa et d'autres clubs. Pour avoir un bon championnat, il faut qu'il y ait de bons dirigeants. A ce niveau, il faudrait leur imposer un cahier de charges pour espérer atteindre le niveau des clubs Magrébins. Il faut vraiment du travail. C'est ce travail que nous allons essayer de faire pour l'avancement de notre football.

Pour revenir à vous, quel est le meilleur souvenir que vous avez gardé de votre carrière de footballeur ?

D'abord le meilleur souvenir c'est d'avoir rencontré des personnes et des personnalités sincères. Dans ce milieu, c'est rare de côtoyer des personnes sincères. Et ensuite, vous dire la chance que nous avons eu de faire partie d'une génération de joueurs fantastiques, avec à la tête un capitaine comme Gadji Celi. C'était pour nous un leader. C'est lui qui nous a permis de faire nos premiers pas dans les différentes sélections et aussi nos débuts au Stella club d'Adjamé. Sur le terrain il y en a eu plusieurs. Il nous est difficile de faire un classement de meilleurs souvenirs. Au pif comme ça, nous citerons la première CAN à laquelle nous avons participé en Egypte en 1986 où nous avons été décisif lors du match contre le Sénégal qui nous a permis de jouer la demie finale. Nous avons battu l'une des meilleures équipes que le Sénégal n'ait jamais eues sur le score (1-0). Ça fait partie aussi de nos débuts de fortes sensations.

Le mauvais souvenir qui t'a le plus marqué ?

Les mauvais souvenirs il y en a eu plusieurs, surtout en club. Avec notre équipe, l'Asec d'Abidjan, nous avons perdu contre Orlando Pirates en 1995, parce que nous n'avions pas imaginé un scenario pareil. Au match aller, nous avions réalisé un score nul (2-2) en Afrique du Sud. Et à Abidjan, nous perdons (1-0) sur une action qui nous marque à jamais. Vous savez, il faut rester positif dans la vie. Deux ans après, une équipe de l'Asec, moins expérimentée, moins forte que la génération qui a raté le trophée en 1995 remporte le trophée. C'est pour vous dire que Dieu fait les choses à son heure et en son temps.

Quel est le défenseur qui vous a le plus marqué dans votre carrière?

Il y en a eu plusieurs sur le plan international et national. Nous citerons les défenseurs pour qui nous avons eu beaucoup de respect. Vous savez il y a des défenseurs qui passent leurs temps à te taper, même sans ballons. Mais, un joueur comme Loué Biagné Rufin de l'Africa Sport, pour nous a été un joueur très intelligent. Il avait un bon sens du placement si bien qu'il arrivait à déjouer certaines actions avec beaucoup d'intelligence. C'est le joueur qui nous a le plus marqué !

Une anecdote ?

Une anecdote ! Nous en avons plusieurs... Nous nous souvenons de la CAN de 1994 en Tunisie. Nous étions avec le président Germain Coffi Gadeau. Nous sommes resté sur le banc de touche pendant les trois premiers matchs. C'est ainsi que le président Gadeau a fait appeler l'entraineur pour lui demander pourquoi Ben Badi ne joue pas. Et l'entraineur de lui répondre que nous n'entrions pas dans son schéma tactique. Alors, il lui a demandé, dans ton schéma là on ne marque pas de but ? Mais si on marque des buts, alors mets-le. Dieu merci, Il a fini par nous classer contre le Ghana et c'est nous qui avons marqué le deuxième but, et nous avons obtenu le ticket des demi-finales. C'est vous dire que ces genres d'anecdotes ça existe encore partout dans le monde et nous avons été beaucoup marqué par la réaction du Président Gadeau. C'est là que vous voyez que vous êtes appréciés par certaines personnalités qui vous expriment non seulement leur affection, mais pour tout ce que vous faites pour la nation.

Interview réalisée par E.Goli
source : Opera News

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