crise politico-militaire en Côte d'Ivoire 14 ans après, un ex-combattant du Mjp passe aux aveux : « Je regrette d'avoir combattu aux côtés des rebelles »

  • publiè le : 2016-07-28 01:28:40
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crise politico-militaire en Côte d'Ivoire 14 ans après, un ex-combattant du Mjp passe aux aveux : « Je regrette d'avoir combattu aux côtés des rebelles »

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Il se nomme Maméry Tia Thomas, alias Tia Yéyé, né en 1958 à Déoulé, dans la sous-préfecture de Man. Après avoir été l'un des collaborateurs directs de feu le général Robert Guéï de l'Etat-major à la présidence de la République, Tia Yéyé s'est retrouvé dans l'ex-rébellion armée, précisément dans le Mouvement de la justice et la paix (Mjp) créé en 2002 dans l'ouest montagneux du pays.
Plus de 10 ans après cette insurrection armée qui a permis à de nombreux ex-combattants des ex-Forces Nouvelles (Fn) de s'insérer dans le tissu socio-économique depuis le régime de Gbagbo, ce militaire qui se dit découragé de l'attitude de ses frères d'armes d'hier a décidé de se faire entendre. Dans l'entretien qu'il nous a accordé dimanche dernier, à son domicile, Maméry Tia exprime ses regrets.

Que devient le commandant Tia Yéyé après la crise de 2002?

Je me suis retiré dans mon village, à Déoulé, et je m'active à mes activités personnelles qui se résument à l'agriculture.


On vous a vu combattre aux sein du Mjp dans les 18 montagnes. Croyez-vous avoir fait le bon choix à cette étape de votre vie?

Combattre aux côtés des rebelles était pour moi une nouvelle expérience. Sinon, je vous apprends que j'ai été longtemps le collaborateur du général Robert Guéï et je n'ai pas digéré du tout la façon dont il a quitté le pouvoir. Ce qui m'a véritablement indigné et poussé aux côtés des rebelles, c'est surtout quand il a été froidement assassiné à Abidjan. Et comme il fallait que justice soit faite, j'ai accepté d'appartenir au Mouvement de la justice et la paix (Mjp). Au finish, j'ai constaté que ce mouvement n'était pas juste comme l'indique son appellation.


Vous voulez dire que vous n'êtes pas satisfait de votre choix?

Effectivement. les frères d'armes avec qui j'ai combattu se sont retournés contre moi pendant que je commandais les éléments de Sipilou. Ce jour-là, le 12 octobre 2005, j'ai essuyé plusieurs coups de feu sur ma résidence de Sipilou et j'ai eu la vie sauve grâce à mes jambes, pour me retrouver dans un camp militaire de Lola, en Guinée. Là bas, j'ai été fait prisonnier par le président Conté. C'est Soro Guillaume qu'on a dû appeler pour me libérer et m'escorter jusqu'à Danané avant de me retrouver à Bouaké. Depuis, je suis laissé pour compte par mes mêmes responsables qui ont permis ma libération en Guinée.


Comment jugez-vous cette attitude des responsables des ex-rebelles ?

Même n'étant pas juge pour juger le comportement des uns et des autres, je peux le confirmer haut et fort au prix de ma vie, que nos patrons d'alors, avec à leur tête Guillaume Soro, ont été très ingrats envers ma personne. Je ne peux pas comprendre que les commandants avec qui j'ai combattu tels que Ben Laden et Messemba Koné soient aujourd'hui des préfets de région et moi, vous voyez vous-même dans quelle condition je vis retranché dans mon village, sans lendemain. On ne peut pas combattre ensemble et que le butin ne soit pas équitable. Je me rappelle bien qu'en 2012, pour notre paie, les gens m'ont dit que mon numéro matricule s'est mélangé avec celui d'un lieutenant Tia que je ne connais même pas. Ni Guillaume Soro, ni Soumaïla Bakayoko n'ont pu trouver une solution à mon problème. C'est pourquoi je ne pardonnerai jamais à ces deux-là ainsi qu'à toute leur suite.


Beaucoup comme vous se disent frustrés. Mais, le président de la République appelle les Ivoiriens à pardonner pour une vraie réconciliation. Qu'en dites-vous?

En ce qui concerne le pardon, je ne vais jamais cesser de le répéter à mes parents de l'Ouest. C'est pourquoi en 2011, j'ai créé l'Ong Likolêh. Et ce jour-là, à la place de la paix de Man, j'ai sincèrement demandé pardon aux populations des Montagnes, à qui j'ai fait du tort. Je ne me suis pas arrêté là, j'ai parcouru plusieurs villages de mon canton pour continuer à demander pardon pour le bonheur de tous. Je suis enfant pour certains et grand-père pour d'autres, il peut arriver des moments dans la vie où l'on peut se tromper. A travers votre canard, permettez que je regrette mon acte envers mes parents de Man, mais pas envers mes frères d'armes, surtout les responsables de la rébellion qui m'ont rendu malheureux à ce jour.


Parlons de la révision de la Constitution qui est l'objet de l'actualité aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Qu'en dites-vous ?

Aujourd'hui, le pouvoir nous demande de réviser la Constitution, il faut l'accepter car c'est leur temps. Pour moi, cela facilitera le retour définitif de la paix. Et si nous voulons une paix véritable en Côte d'Ivoire, j'invite l'ensemble des Ivoiriens à l'accepter.



Propos recueillis à Déoulé par Achille KPAN (Région du Tonkpi)
source : L'inter

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