Présidentielle en Côte d'Ivoire : sur la Toile, tous les coups sont permis

  • publiè le : 2020-10-28 08:03:43
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Présidentielle en Côte d'Ivoire : sur la Toile, tous les coups sont permis
Alors que la campagne pour l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire touche à sa fin, la guerre de l'information s'intensifie sur les réseaux sociaux entre le pouvoir et l'opposition.

C'est sans doute l'un des avatars les plus connus et les plus controversés de Côte d'Ivoire. Depuis plusieurs mois, « Chris Yapi » abreuve Twitter, Facebook et YouTube d'informations prétendument compromettantes sur Alassane Ouattara et son entourage politique et sécuritaire. Il est parfois drôlement bien informé (au point de semer la panique chez certains ministres), souvent à côté de la plaque, parfois entre les deux. À coup de phrases bien tournées et grâce à une habile mise en scène, le mystérieux Chris Yapi s'est rapidement fait un nom. Il est aujourd'hui suivi par des centaines de milliers de personnes. Ses publications sont commentées au plus haut niveau de l'État, dans le bureau des ministres, dans les salons feutrés des grands hôtels d'Abidjan et dans les couloirs des chancelleries.

Tous se posent la même question : qui se cache derrière ce pseudonyme désormais célèbre ? Tous les adversaires du chef de l'État ivoirien même l'ancien ministre des Affaires étrangères Marcel Amon Tanoh et l'ex-vice-président Daniel Kablan Duncan ont été soupçonnés. Mais plusieurs sources sécuritaires ivoiriennes et françaises y voient la marque de Guillaume Soro.


Si l'ancien président de l'Assemblée nationale s'en défend, ses proches et même sa communicante française Patricia Balme ne se gênent pas pour relayer les publications de Chris Yapi. « Cela fait partie de sa stratégie visant à semer le doute et la division au coeur du pouvoir », estime un proche d'Alassane Ouattara.

Guerre de l'information

Le « succès » de Chris Yapi a fait des émules. Des comptes aux publications similaires, mais cette fois-ci très critiques envers l'opposition, ont vu le jour. À l'approche de l'élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu le 31 octobre, la guerre de l'information s'est intensifiée et les réseaux sociaux y ont pris une place centrale.

Précurseur, Guillaume Soro a très tôt investi Twitter.

« Aujourd'hui, ils sont devenus un puissant outil de communication, analyse le journaliste et blogueur Daouda Coulibaly. L'électorat ivoirien est très jeune et utilise beaucoup plus les réseaux sociaux. Les politiques en sont conscients. Ils ont investi toutes les plateformes. »

Les agences de communication des principaux partis ivoiriens ont désormais des équipes spécialisées dans l'e-réputation. À coup d'algorithmes, ils tentent de faire remonter un évènement ou un mot d'ordre dans les tendances de Twitter et de lancer des hashtags. Le but : façonner l'image de leur candidat et torpiller celle de leurs adversaires. Car sur la toile, tous les coups sont permis.

L'avance de l'opposition sur les réseaux sociaux

Au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et à la présidence, des dizaines de personnes %u2013 dont certaines sont rattachées à l'agence Voodoo - sont chargés de prêcher la bonne parole. « On a des profils d'activistes variés : il y a les modérés dotés d'une bonne expertise, ceux chargés de faire monter la température, et même quelques activistes qui lancent des rumeurs pour tâter le terrain », explique un communicant proche du pouvoir.

« Le problème, c'est le manque de structuration. Chaque ministre possède son petit groupe d'activistes, monte sa petite entreprise à des fins personnelles », précise notre source, qui concède l'avance prise par l'opposition qui a fait des réseaux sociaux son principal espace d'expression.

Précurseur, Guillaume Soro a très tôt investi Twitter. Ses activistes y sont toujours les plus présents. Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) s'est lui déployé sur Facebook, où sa chaîne PDCI-TV peut se prévaloir d'une belle audience. Des comptes proches de la formation d'Henri Konan Bédié y ont également fleuri, comme celui de Kyria Doukoure dont l'activisme lui a valu une menace de plainte du Premier ministre, Hamed Bakayoko.

Inquiétante épidémie de fake news

Mais de la volonté d'influencer le débat à la désinformation, il n'y a qu'un pas. Facebook appelle cela des « opérations de comportements inauthentiques coordonnés ». Le but : manipuler le débat public grâce à la multiplication des comptes, aux techniques d'automatisation et à l'utilisation de la publicité. Début août, le géant américain a renforcé ses mécanismes de contrôle, notamment dans le cadre du sponsoring des pages et des publications. Selon nos sources, la page officielle de Bédié a récemment vu ses opérations de sponsoring bloquées sans justification.


En mai, le réseau social avait déjà fermé de manière préventive plusieurs pages affiliées au PDCI, dont certaines étaient gérées par Ureputation, une entreprise sise à Tunis, dirigée l'homme d'affaires Lotfi Bel Hadj et chargée de la communication du parti de l'ancien chef de l'État. Surpris d'une telle célérité, et assurant respecter toutes les réglementations, Ureputation a porté plainte contre Facebook.

La violence verbale et les appels à la haine sont devenus monnaie courante. »

Les dérives politiques dans l'utilisation des réseaux sociaux sont également révélatrices d'une tendance plus globale. Ces derniers temps, alors que beaucoup redoutent une nouvelle crise, Abidjan s'est muée en capitale de la rumeur. La diffusion de fake news sur Twitter, Facebook et dans les groupes WhatsApp a atteint une proportion inquiétante. « Urgent. Pour des raisons inconnues, rafle générale sur tout le territoire à partir de 20h. Pièces ou pas pièces, restez chez vous », pouvait-on par exemple lire sur un tract abondamment diffusé et relayé, lundi 26 octobre.

« Il y a aujourd'hui beaucoup de dérives. La violence verbale et les appels à la haine sont devenus monnaie courante, se désole le blogueur Daouda Coulibaly. La diversité d'opinion est de moins en moins acceptée. Il faut forcément prendre parti, être dans un camp. »
source : Jeune Afrique    |    auteur : Vincent Duhem

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