Analyses Côte d'Ivoire : entre Ouattara et Bédié, les fantômes de l'ivoirité
- publiè le : 2020-10-15 07:45:45

(Photo d'archives pour illustrer l'article)
La vidéo aurait pu passer inaperçue mais elle a fait grand bruit pendant plusieurs semaines. Tournée le 5 juin 2019, à Daoukro, elle montre Henri Konan Bédié s'exprimer devant une délégation du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) venue de Koumassi (Abidjan). Costume gris, col mao, le « Sphinx » commente la situation politique, puis embraye d'une voix posée sur l'orpaillage clandestin.
à lire Polémique autour de l'ivoirité : ce qu'a vraiment dit Henri Konan Bédié
Et d'ajouter, impassible face au micro : « Mais nous traiterons de tout cela un jour car les précédents doivent nous servir. Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café-cacao et ensuite les gens se sont installés à leur propre compte. Et aujourd'hui, ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres. Cela devrait nous servir. Il faut que nous réagissons pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux. »
Trois jours plus tard, le gouvernement dénonçait des propos « d'une extrême gravité, appelant à la haine de l'étranger » et « de nature à mettre en péril [...] l'unité nationale et la stabilité du pays ». Contribuant du même coup à donner de la visibilité à cette vidéo, son communiqué ajoutait que « l'instrumentalisation de la haine de l'étranger par le président Henri Konan Bédié et les dérives qui en ont résulté ont été à la base des différentes crises que [le] pays a connues depuis le décès du président Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993 ».
« Bédié a été la cause de tous nos malheurs avec l'ivoirité, dénonce un intime d'Alassane Ouattara. Et aujourd'hui, comme il sait qu'il ne peut pas gagner dans les urnes, il distille à nouveau cette question dans ses discours pour tenter de mobiliser ses électeurs. » « Il passe son temps à distinguer les Ivoiriens en fonction de leurs origines. C'est totalement inconscient », poursuit une autre source au sein de la présidence.


Face à Bédié et à ses lieutenants, qu'il traite volontiers de « xénophobes », l'entourage de Ouattara insiste sur le fait que le président sortant est, lui, le garant de l'unité nationale, qu'il a le souci constant de fédérer l'ensemble de ses compatriotes.
La logique ayant conduit à la formation du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), son implantation dans toutes les zones du pays, ou encore la diversité de ses membres en sont, selon eux, des preuves irréfutables.
« Voter Alassane Ouattara, c'est continuer cette oeuvre de rassemblement de la nation ivoirienne », clame un baron du parti unifié, qui met en garde contre le spectre d'un retour des « ivoiritaires » au pouvoir.
S'il n'a rien renié des propos très controversés qu'il a tenus en juin 2019, Bédié a depuis calmé le jeu - du moins publiquement. Dans les rangs du PDCI, on se défend fermement de toute xénophobie et on accuse le pouvoir de jouer avec le feu. « Ils veulent faire peur aux gens avec le retour de l'ivoirité parce qu'ils n'ont pas d'autres arguments. Mais leur disque est rayé, plus personne n'y croit », tacle Maurice Kakou Guikahué, le secrétaire exécutif du parti.
Pour preuve de leur bonne foi, les cadres du PDCI mettent en avant la diversité des partis et communautés présents au sein de la coalition qui soutient Bédié. Ils rappellent aussi que leur mentor de 86 ans a contribué à faire élire Ouattara en 2010 et 2015.
Pour ses adversaires, ce n'est pas l'ivoirité qui est en jeu, mais bien la volonté d'Alassane Ouattara de rester au pouvoir alors qu'il s'était engagé à le quitter. « Ils essayent de faire glisser le débat sur le terrain communautaire, mais le fond du problème est politique : tous les Ivoiriens, quelles que soient leurs origines, sont opposés à ce troisième mandat illégal et anticonstitutionnel », poursuit Guikahué. Selon lui, les « nombreuses manifestations » contre le troisième mandat, qui seraient organisées « dans toutes les régions du pays, de Korhogo à Gagnoa », suffisent à montrer que le ressort de la mobilisation n'est pas ethnique.
Mi-août, après l'annonce de la candidature d'Alassane Ouattara, des manifestations ont effectivement eu lieu dans plusieurs localités du pays. Certaines ont dégénéré en violences intercommunautaires et une dizaine de personnes sont mortes à Bonoua, à Divo ou encore à Daoukro. Pour la première fois depuis longtemps, des Ivoiriens sont morts parce qu'ils étaient allogènes ou autochtones. Le sang avait à peine cessé de couler que pouvoir et opposition se sont mutuellement renvoyés la responsabilité de ces tueries.
Beaucoup craignent que la situation dérape et devienne incontrôlable
Tandis que les autorités accusent Henri Konan Bédié et Simone Gbagbo d'avoir délibérément soufflé sur les braises, les leaders de l'opposition dénoncent eux les « microbes » envoyés par le pouvoir pour mater leurs partisans.
Sur le fond, l'évoquer publiquement demeure tabou, mais beaucoup le reconnaissent : en Côte d'Ivoire, le combat politique est toujours fortement déterminé par des considérations ethniques et régionalistes. « C'est ancré au fond de nous », admet un homme politique. « En période électorale, la majorité des gens ne se décident pas sur des programmes mais en fonction de l'identité des candidats », confirme Arsène Brice Bado, professeur de sciences politiques et vice-président de l'Université jésuite du centre de recherche et d'action pour la paix (Cerap/UJ) à Abidjan.
Vingt ans après, les cicatrices de la crise politico-militaire entre le Nord et le Sud du pays ne sont pas refermées. Dans les discours, il est question tantôt de « reprendre » le pays aux étrangers, tantôt de ne pas redonner le pouvoir à ceux qui l'ont accaparé des décennies durant.
La rhétorique identitaire est plus ou moins assumée, plus ou moins subtile mais, généralement, tout le monde la comprend. « Nos adversaires se réfugient derrière la question du troisième mandat, mais au fond, leur seul problème avec le président est ce qu'il est, c'est-à-dire un Nordiste musulman », lâche un proche du chef de l'État.
Quid de Guillaume Soro, l'ancien chef de la rébellion des Forces nouvelles (FN), originaire de Ferkessédougou (Nord), qui est désormais un des plus farouches adversaires de Ouattara ? « Lui est uniquement guidé par son ambition personnelle, poursuit notre source. D'ailleurs beaucoup de gens du Nord ne comprennent pas qu'il s'allie aujourd'hui à leurs anciens bourreaux, Bédié et Gbagbo. »
Les pro-Ouattara s'offusquent d'être taxés de « clanisme »
De leur côté, des cadres du PDCI dénoncent, eux, la « politique d'exclusion » et de « rattrapage ethnique » qu'aurait menée Alassane Ouattara dans l'administration depuis son arrivée au pouvoir, en 2011. « Tous les postes-clés ont été confiés à des gens du Nord, peu importent leurs compétences », assure l'un d'entre eux.
D'autres sont convaincus que si Ouattara avait initialement choisi de faire de son Premier ministre aujourd'hui décédé, Amadou Gon Coulibaly, son dauphin, c'est parce qu'il souhaite qu'un Nordiste continue à diriger le pays. À les en croire, la candidature du président sortant répondrait à la même logique.
A voir egalement

Top 5 plus récents
- 1
Regardez la danse du Sexe qui a fait disparaitre le Map...
Regardez la danse du sexe qui a fait disparaitre le Mapouka
- 2
Insoutenable : Des femmes congolaises déshabillées et f...
Honteux!!! Inacceptable!!! C'est le moins que l'on puisse dire en reg...
- 3
GO D'abidjan c'est pas la peine deh !!!
toi femme tu veux faire palabre tu mets tes seins dehors comme sa ma ...
- 4
une camera cachée filme Une femme PASTEUR surprise en p...
Une femme pasteur jeune de 38 ans, mariée, a été surprise en plein ac...
- 5
SCANDALE: Un pasteur pris en flagrant délit avec une fe...
Oh mon Dieu, pourquoi les gens utilisent votre nom pour les mauvaises...
