Procès des disparus du Novotel Dogbo Blé à propos des bombardements des forces françaises : « Il y a eu 17 morts au Palais et 40 à la résidence »

  • publiè le : 2017-03-27 14:39:19
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Procès des disparus du Novotel Dogbo Blé à propos des bombardements des forces françaises : « Il y a eu 17 morts au Palais et 40 à la résidence »

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Le juge en colère : « Ne prenons pas ce procès pour une tribune politique »
L'audience suspendue dans le cafouillage

Des révélations et des accrochages entre les différentes parties, il y en a eu encore au procès ''des disparus du Novotel'' qui se tient depuis janvier 2017 au Palais de justice de Yopougon.

A l'audience d'hier jeudi 23 mars 2017, le général Dogbo Blé Bruno, patron de la Garde républicaine au moment des événements et chef de file des 10 accusés des faits ''d'arrestations, de séquestrations, d'assassinats et de disparition de cadavres'', est revenu sur les frappes des forces françaises et onusiennes survenues le 04 avril 2011, aussi bien sur le palais présidentiel au Plateau que sur la résidence de l'ex-président, Laurent Gbagbo, à Cocody.

« Le palais présidentiel, c'est 15 à 20 hectares. Tous les accès ont été renforcés parce qu'on était en temps de guerre. Il y a des gens qui sont au palais et qui n'ont jamais mis les pieds derrière la salle des pas perdus. Je n'ai pas dit qu'il y a eu 40 morts. Je dis qu'il y a eu 17 morts au palais présidentiel et à la résidence, il y a eu près de 40 morts. C'est ce que j'ai dit », clarifie le chef militaire.



A la question de l'avocat de l'Etat, Me Soungalo Coulibaly, de savoir pourquoi il s'est intéressé seulement aux corps des 4 étrangers enlevés au Novotel et conduits au palais présidentiel, il réplique : « Pourquoi je me suis intéressé aux 4 corps ? J'étais en train de parler avec le colonel Magloire Ahouman, qui est le commandant du Groupe de sécurité rapprochée du président (Laurent Gbagbo, ndlr). En fait, j'étais à la résidence. C'est parce que les hélicoptères survolaient la zone que je suis revenu au Plateau. Donc, toute mon attention était là où se trouve le président. Vu que c'est un petit périmètre, au passage, ça a été un carnage et on s'attendait à une attaque au sol. J'étais en train de penser à ça, quand le colonel (Modi) m'a appelé pour me dire que les Blancs qui étaient au palais sont morts. C'est là que je lui ai dit de sortir les corps du palais. C'est parce qu'il m'a posé la question que je lui ai répondu. Sinon, les autres corps-là, je ne sais même pas où ils sont partis ».



Une audience émaillée de clashs entre les parties

Ces propos ont l'effet de faire réagir le Parquet. Les questions des 2 avocats généraux qui ''pleuvent'' de toutes parts et tombent sur la tête de l'accusé fâchent la défense, qui réplique aussitôt. Tous les efforts du président de la Cour, Mourlaye Cissoko, pour ramener le calme, sont vains. Il s'ensuit alors dans la salle un cafouillage. Quand le calme revient, des minutes après, le juge estime qu'il faut mettre fin au contre-interrogatoire du mis en cause. Il appelle à la barre le prévenu Yoro Tapéko Marx Landry (milicien, qui se présente comme le seul membre du commando qui s'est rendu au Novotel le jour des faits, parmi les accusés) et le témoin Kouhon Bonfils, chef de sécurité de l'hôtel en question.

Là, encore, c'est le clash. Cette fois, entre le juge-président lui-même et la défense par le biais de Me Rodrigue Dadjé. Des éclats de voix fusent de partout. Le président de la Cour, qui juge l'avocat de la défense, tatillon et provocateur, l'interrompt. « Où voulez-vous en venir ? Que Yoro Tapéko vous dise qu'il n'était pas à l'hôtel ou que Bonfils dise qu'il ne l'a pas reconnu ? », interroge-t-il. « Nous sommes à un procès en Assises qui est un procès oral. Je pense qu'il faut laisser les avocats aller au bout de leur logique », accourt, quoique étant avocat de la partie civile, l'ancien bâtonnier, Me Adjé Luc.



Me Dadjé claque la porte

Ce secours ne va nullement contenter Me Dadjé, qui explose avant de claquer la porte. « Le procès est mené de manière inéquitable. La défense est pratiquement empêchée de faire son travail. Notre rôle, c'est de défendre les accusés et de chercher où se trouve la vérité. J'ai défendu des magistrats qui étaient poursuivis et quand c'est comme ça, on ne me dit pas ''Me Dadjé, tu tournes en rond'' parce que c'est dans leur intérêt. Quand je pose des questions, je sais où je m'en vais. Mais, si on m'empêche de poser des questions à Tapéko, on ne va jamais savoir la vérité », assène-t-il.

Bien avant, c'est le magistrat hors hiérarchie lui-même qui piquait une grosse colère suite à la tournure des débats qui virait au pugilat et à la foire aux empoignes entre les avocats généraux et Me Dadjé. L'avocat de la défense, prompt à répondre aux ''coups'' du Parquet général, laissait entendre, en effet, lors de l'audition du témoin Bélem Salif, directeur technique du groupe immobilier de Yves Lambelin, que les 4 ressortissants étrangers enlevés au Novotel ont été kidnappés par des ravisseurs en complicité avec l'armée française.



Grosse colère du juge-président

Et ce, à l'en croire, « pour faire payer à M. Lambelin sa décision de payer les impôts au camp du président Laurent Gbagbo ». Cette thèse a donné lieu à des éclats de voix dans la salle entre défense, partie civile et Parquet général. «J'appelle à la pondération. Même quand il y a des piques, je veux que cela se fasse dans le respect. S'il vous plaît, je veux que ce procès reste courtois. Si ce procès se bloque, cela va susciter des commentaires. Chacun doit comprendre cela. Il est bon qu'on avance et que chacun des prévenus soit situé. Il y a des faits constants que nous avons relevés ici qui donnent des orientations. Mais, il faut que le procès aille à son terme et que les accusés connaissent leur situation. Ne prenons pas ce procès pour une autre tribune, pour une tribune politique », insiste le magistrat-président de la Cour.



Un témoin casse la thèse de l'assassinat avec préméditation

Bien avant, le nouveau témoin du jour, à savoir le chef de la réception du Novotel, N'guessan Assi Claude, a, en partie, ''cassé'' l'argumentaire selon lequel le rapt et l'assassinat des deux opérateurs (Frantz Di Rippel et Yves Lambelin) et deux collaborateurs, dont un Béninois et un Malaisien, auraient été planifié. « Quand ils sont arrivés, les ravisseurs avaient une liste de personnes qu'ils recherchaient. Ils ont parlé de snipers. Sur la liste, il y avait 4 ou 5 noms. J'ai regardé la liste en question et j'ai constaté que personne sur la liste n'était parmi nos clients. J'ai imprimé la liste des clients du Novotel. Ils ont fait le même constat. Ni Yves Lambelin, ni mon patron (Frantz Di Rippel) n'était sur leur liste. C'est après qu'ils ont demandé à voir mon patron. Sous la menace de leurs armes, je les ai conduits dans la chambre du directeur au 7ème étage », révélait-il. « Yves Lambelin était sur le même pallier que le directeur général. C'est au moment où il y avait les discussions que M. Lambelin a ouvert la porte de sa chambre et les ravisseurs sont rentrés. Ils ont vu sur son ordinateur une feuille avec la photo d'une arme. Ils lui ont demandé : ''c'est quoi ça ? Où avez-vous eu ça ? M. Lambelin a répondu que c'est sa femme qui la lui a envoyée par mail. C'est comme ça qu'ils ont pris tout le monde et on est descendu dans le hall. Par la suite, ils sont partis avec les 4 en passant par la grande porte », ajoutait-il.

A lire aussi: Dogbo Blé fait des révélations sur des ordres de Gbagbo

Au terme de son récit, le juge-président interpelle Me Dadjé. « Si ces propos sont vrais, vous voyez que votre argument du complot en complicité avec l'armée française tombe non ? », affirme-t-il. «Si on suit aussi cette piste, le chef d'accusation de l'assassinat tombe puisqu'il faut qu'il y ait préméditation. On en tire alors toutes les conséquences pour les accusés », réplique l'avocat. Après son éclairage, l'hôtelier cède le micro au sergent de semaine à l'infirmerie de la 1ère compagnie de la Garde républicaine, Bosso Adjé. C'est dans ce service que les corps avaient été conduits à bord d'un véhicule ''Canter'' par des militaires du Bureau de communication et radio (Bcr) au sein du palais présidentiel.

Ce témoin maintient avoir signifié au téléphone au colonel Modi qu'il ne pouvait pas accepter de garder des corps dans son service. Mais, il est confondu par Me Dadjé à qui il n'arrive pas à donner le numéro sur lequel il affirme avoir joint le chef des opérations militaires du palais qui est son parent du même village (dans le centre-ouest ivoirien).



Guerre d'héritage, hier, à la barre

Rappelé à la barre pour la confrontation avec les prévenus, Belem Salif dévoilait plutôt une guerre d'héritage entre enfants adoptifs du défunt patron du groupe Sifca. « Alassane Doumbia (actuel patron dudit groupe, ndlr) et son frère ont éventré le coffre-fort de la résidence de Yves Lambelin, dans lequel il y avait entre 40 et 50 millions de F cfa et ils ont emporté le second coffre-fort qui, lui, est portable dans lequel il y avait de l'argent et des documents importants », accusait-il, avant de réfuter que les mis en cause sont juridiquement liés au défunt par l'adoption.

Mais, il sera démonté par Me Konan, constitué partie civile dans le dossier et agissant pour le compte et les intérêts des ayants-droit que sont Alassane et Ben Doumbia. « Ne laissez pas votre Cour entraîner dans une guerre d'héritage entre enfants adoptifs de M. Lambelin », interpelle l'avocat général. « Gardons-nous des détails. Ne nous focalisons pas sur les problèmes d'héritage. Yves Lambelin est rentré en contact avec l'armée française, qui a refusé de venir le chercher au Novotel. Une dame des renseignements généraux français lui a dit que l'information du rapt de ressortissants français était fausse. Voilà ce qui doit nous intéresser », faisait remarquer également Me Djirabou, conseil du général Dogbo Blé, qui affirmait à l'audience du 21 février dernier que « l'armée française avait livré ses ressortissants à des inconnus armés ». Notons que le procès reprend le mardi 28 mars prochain.


source : Linfodrome    |    auteur : TRAORE Tié

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