Gnamien Konan : « Sortons du tribalisme »

  • publiè le : 2017-03-17 03:11:39
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Gnamien Konan : « Sortons du tribalisme »

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Discret depuis sa sortie du gouvernement, l'ex-ministre Gnamien Konan, aujourd'hui député et président de l'Union pour la Côte d'Ivoire (UPCI), ne manque plus aucune occasion pour critiquer le pouvoir. Pour lui, le PDCI, le RDR et le FPI font partie du problème de la démocratie, car ces partis sont à base fortement ethnique ou tribale. Si pour l'heure, il dit se concentrer sur la création d'une école supérieure, l'ancien ministre garde l'oeil bien ouvert sur l'évolution de la vie politique. Dans cette interview exclusive accordée à JDA, il revient sur de nombreux sujets, notamment son passage au RHDP, la coalition parlementaire avec l'Union pour la paix et la démocratie (UDPCI) et les réformes souhaitées mais non réalisées.

Journal d'Abidjan : Monsieur le ministre, quelles sont vos activités depuis que vous n'êtes plus membre du gouvernement ?

Gnamien Konan : En attendant la session parlementaire, je poursuis mon projet de création d'un établissement d'enseignement supérieur.

Après son élection en qualité de député, quel sera le visage de Gnamien Konan au parlement ?

Le visage d'un député qui souhaite avec foi le meilleur pour son pays.

Dans le deal entre l'UPCI et l'UDPCI, il se dit que votre parti obtiendrait un poste de vice-président. Qu'en est-il ? Si cela est avéré, serez-vous prêt à occuper ce poste ?

Tout d'abord, je voudrais remercier l'UDPCI et son président d'avoir accepté de former avec l'UPCI un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Et c'est vrai, l'UDPCI nous a fait savoir que dans l'hypothèse de l'obtention d'un poste de vice-président par notre groupe, il serait disposé à le concéder à l'UPCI. On verra le moment venu. Nous ne courrons pas après les nominations.

Au parlement vous faites chemin avec l'UDPCI, qui dit rester dans le RHDP. Quel est désormais votre positionnement par rapport à cette alliance ?

Pour le moment, il n'y a pas de groupe parlementaire RHDP.

Comment l'UPCI a-t-elle vécu ces dernières années au sein du RHDP ? Êtes-vous d'accord avec ceux qui disent que le RHDP est une alliance de dupes ?

Pour sortir de la crise, le RHDP a eu une fonction très utile. Mais je pense qu'aujourd'hui, seuls le PDCI et le RDR qui ont beaucoup de choses en commun, doivent continuer cette aventure RHDP. C'est vraiment eux qui ont gouverné. Ils se sont partagés toutes les institutions. Nous, nous n'avions même pas le statut d'observateurs. À l'arrivée, je pense que cela a été une bonne chose.

L'UPCI envisage-t-elle de faire chemin seul ou d'aller vers d'autres alliances politiques ?

Nous voulons faire chemin seul, dans l'espoir secret de rencontrer l'âme soeur, des personnes disposées à servir la Côte d'Ivoire comme s'ils rendaient un culte à Dieu. Pas des grilleurs d'arachides ou des vendeurs de cigarettes.



Votre présence au sein du RHDP ne posait-elle pas problème à votre niveau, quand on sait que vous ne vous réclamez pas de l'Houphouëtisme ?


Oh ! Que reste-il de l'Houphouëtisme en dehors des slogans ? Si Houphouët revenait, nous baisserions tous la tête. Qu'avons-nous fait du bel héritage qu'il nous a laissé ? La division, le mépris, la course à l'enrichissement personnel ? Pardonnez, j'ai eu ma dose !

Quel est l'état actuel de vos liens avec la famille des Houphouëtistes ?

Aucune relation.



Comment voyez-vous votre avenir en dehors du RHDP ?

Moi, je souhaite qu'en 2020, il y ait au moins trente-trois candidats, comme au Bénin. Si nous gardons la configuration actuelle, nous risquons d'avoir un candidat RDR nordiste. Un candidat PDCI qui viendra du Centre, et certainement un candidat de l'Ouest. Et ce sera triste pour la Côte d'ivoire. Je voudrais qu'il y ait cinq ou davantage de candidats du Nord, autant au Centre et à l'Ouest. À partir de là, le débat sera moins tribaliste. C'est à partir de ce moment que les Ivoiriens vont commencer à écouter les programmes de société des uns et des autres. Mais tant que nous aurons les blocs actuels, le débat sera tribaliste. C'est pour cela que j'ai peur de cette histoire d'un candidat héritier. Ce n'est pas bon pour le pays. Moi, je souhaite qu'au RDR ou au Nord, Guillaume Soro, Hamed Bakayoko, Sangafowa et Amadou Gon soient candidats. Qu'au PDCI, ou au Centre, Ahoussou Jeannot, Niamien N'Goran, Allah Kouadio Remi et Gnamien Konan soient aussi candidats. C'est à ce moment là que les Ivoiriens s'interrogeront sur nos programmes. J'espère que ce sera le cas.


Sur les réseaux sociaux, on vous voit très critique, notamment par rapport à la question des frais d'inscription pour les concours, l'implication du gouvernement dans l'agrobusiness, etc. Pensez-vous que cette posture vous sied après six ans de présence au gouvernement ?

Je ne cherche pas de posture. Je veux juste servir les Ivoiriens partout où je me trouve. Je l'ai fait en tant que responsable informatique des douanes, en tant que DG des douanes, en tant que ministre de la Fonction publique, en tant ministre de l'Enseignement supérieur et je l'ai essayé en vain, en tant que ministre du Logement social. Aujourd'hui, c'est en tant que président de parti, ou simple citoyen. C'est ma vocation, ma raison de vivre. Et je n'ai pas besoin de me justifier ou de plaire.

Sur votre page Facebook, vous écriviez récemment « Puisque nous savons que ce pays dispose de ressources naturelles exceptionnelles, puisque nous savons que la paix est le préalable à tout développement, pourquoi passons-nous notre temps, tout notre temps, à faire autre chose qu'à créer les conditions nécessaires pour une paix durable... pour un développement durable ? Surtout que là, ni la France, ni le FMI, ni la Banque mondiale ne peuvent le faire à notre place! » Pouvez-vous être plus explicite ?


Pourtant c'est clair. C'est indiscutable que s'il y a la paix et l'union en Côte d'ivoire, ce sont les Ivoiriens qui iront investir dans les autres pays et non le contraire. Malheureusement, la France, le FMI, la Banque mondiale ou le monde entier peuvent nous prêter leur argent, mais ils ne peuvent pas faire la paix chez nous à notre place. La Côte d'Ivoire en paix, unie et donc au travail, c'est un taux de croissance de 15% au moins. Et c'est Dieu qui le veut ainsi.

Gnamien Konan peut-il aujourd'hui critiquer de façon objective l'action gouvernementale ?

Je ne peux pas critiquer et me critiquer en même temps. C'est à vous de me juger si vous en avez le temps.

Comment, avec qui et avec quels moyens préparez-vous les échéances de 2020 ?

Je ne suis pas Macron, mais je m'appelle aussi Emmanuel. Si Dieu le veut, des personnes me rejoindront avec leur argent.

Quels sont les arguments que vous comptez développer auprès des Ivoiriens pour espérer avoir leurs voix en 2020 ?

Je vais expliquer comment une Côte d'ivoire unie, disciplinée et au travail est apte à apporter l'aide aux autres nations, et non le contraire. J'expliquerai comment j'abolirai le chômage en Côte d'ivoire, comme Houphouët a aboli le travail forcé. Mais chaque chose en son temps.

Votre passage à la douane a laissé de vous l'image d'un homme intègre et incorruptible. Vous sentez-vous dans la peau de l'Ivoirien nouveau, tel que prôné aujourd'hui ?

Je n'aime pas me juger moi-même. Mais je pense que nous avons tout fait pour bien faire notre travail, en nous mettant essentiellement au service de l'État. Si nous avions laissé des casseroles, on n'aurait pas pu se présenter à l'époque contre Gbagbo Laurent. C'est parce que notre bilan était propre et nos comptes propres que nous avons pu le faire. D'ailleurs, c'était la première fois. Et je pense que ce sera la dernière fois qu'un directeur part en laissant dans les comptes internes de la douane un solde positif qui s'élevait d'ailleurs à 7 milliards. Ce compte a toujours été déficitaire. Si les gens le disent, je pense qu'ils ont raison. Moi je n'ai pas changé, je suis toujours le même.

N'êtes-vous pas un peu trop idéaliste ?

Je suis idéaliste, mais pas trop. Parce que de mon point de vue, l'idéalisme n'est pas de trop pour l'Afrique. Pour les pays Africains aujourd'hui, il faut des hommes qui ont des idéaux et qui respectent ces idéaux. Sinon, ce ne sera pas possible de sortir l'Afrique du sous-développement. Il faut des dirigeants qui croient que l'Afrique peut rivaliser et compétir avec les autres continents. Que les Africains sont capables de fabriquer des machines et des outils de travail.

Vous avez récemment soulevé un débat autour des frais d'inscription aux concours. Et cela a suscité une levée de boucliers contre vous. Pouvez-vous nous préciser votre pensée sur cette question ?

Tous les concours que j'ai organisé l'ont été sans frais supportés par les candidats, c'est à dire gratuits. La première raison, c'est que pour nous la gratuité du service public doit être la règle. Payer le service public doit être une exception. Et dans ce cas, il faut l'expliquer à la population, c'est-à-dire aux contribuables qui payent déjà l'impôt.

La deuxième c'est que techniquement, c'est possible et plus efficace. Dans toutes les grandes écoles du monde, il y a une sélection sur dossier. On retient les meilleurs par rapport à leur dossier. Un logiciel peut bien faire cette sélection. Pas besoin de faire payer les candidats pour des charges relativement insignifiantes. Nous, nous avions décidé de retenir le double des postes disponibles par ordre de mérite pour le concours. Ce sont ceux-là qui devaient payer des frais. Mais une sélection rigoureuse par rapport au poste de travail peut être éventuellement complétée par un QCM assisté par ordinateur. Donc gratuit. La troisième raison est morale. C'est immoral de faire payer 100 000 personnes pour moins de 300 places. Car notre masse salariale engloutissant près de 50% de nos ressources propres, ce n'est plus possible de recruter davantage. C'est pour toutes ces raisons que nous voulons une gratuité absolue des concours de la fonction publique. Mais ils aiment trop les caisses noires...




source : jda.ci    |    auteur : Ouakaltio OUATTARA

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