Enquête /Financement de biens de consommation et de projets immobiliers : Dur, dur, d'avoir un crédit en Côte d'Ivoire Voici ceux à qui on prête Les taux pratiqués par les banques

  • publiè le : 2018-02-24 19:02:40
  • tags : enquête - /financement - biens - consommation - projets - immobiliers - d'avoir
Enquête /Financement de biens de consommation et de projets immobiliers : Dur, dur, d'avoir un crédit en Côte d'Ivoire  Voici ceux à qui on prête  Les taux pratiqués par les banques

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

K. J. B. est enseignant dans un établissement public à Abobo. Père de 5 enfants, son salaire mensuel ne lui permet pas de subvenir au quotidien de sa famille. Il n'a donc pas d'autre choix que de se tourner vers sa banque en vue de contracter un prêt.

Nous avons fait la connaissance de cet homme (qui s'est présenté à nous comme tel) d'une cinquantaine d'année environ, le mardi 13 février 2018, au siège de la Nsia-Banque à Abidjan-Plateau, rue des Banques. Assis dans l'un des sièges métalliques en face d'un bureau portant l'inscription ''Pool Ppo (Prêt particulier ordinaire, ndlr)'', K. J. B. attendait d'être reçu. Très préoccupé, il répond à peine au bonjour que nous lui adressons. Venus prendre des informations relativement aux conditions pour l'obtention d'un prêt dans ladite banque, nous prenons place à ses côtés. Loin dans ses pensées, il n'entend pas la sonnerie de son téléphone qui crépite. Redescendu sur terre, quelques après, il finit par décrocher son téléphone, un tout petit peu gêné. Les instants d'après, K. J. B. engage la causerie et explique que cela fait plusieurs jours qu'il court après sa banque pour obtenir un crédit afin de faire face à certains engagements. Sa phrase à peine achevée, il se lève brusquement et rentre dans le bureau "Pool Ppo'' qui venait d'être libéré par le client qui s'y trouvait. La suite, nous ne le saurons jamais. Le prêt que K. J. B. était venu demander lui a-t-il été accordé ou pas ? Ce qui est sûr, c'est un homme très attentif qui était en train de renseigner une fiche remise par sa banque que nous avons laissé. La jeune dame du ''Pool Ppo'' qui nous reçoit par la suite, nous renseigne sur les taux pratiqués par la banque en ce qui concerne les prêts. Ainsi, l'on apprendra que le taux du crédit à la consommation pratiqué par la Nsia-Banque est de 13 % sur une durée de 72 mois. Quant au prêt immobilier dont l'échéance court jusqu'à 20 ans, son taux est fixé à 9 %. Les conditions pour contracter un prêt dans ladite banque sont évidemment d'avoir son salaire domicilié dans cette maison, nous informe-t-on.



Lourdeurs

Chez le voisin d'en face, au niveau de la Société générale de banque en Côte d'Ivoire (Sgbci), communément appelée ''La Générale'', c'est également la croix et la bannière pour obtenir un prêt. C. G. est un travailleur du secteur privé. Ce dernier, rencontré également le mardi 13 février 2018, au siège de ladite banque au Plateau, dénonce des lourdeurs administratives pour l'obtention de son prêt. « Cela fait plusieurs semaines que je défile à ma banque dans le secret espoir de rencontrer ma gestionnaire afin d'introduire mon dossier de demande de crédit. Mais, ce n'est pas compter avec cette dernière qui prend tellement de temps avec chaque client qu'elle ne reçoit que deux à trois personnes par jour », se plaint-il, puis de critiquer cette attitude de la banque comme étant une façon pour elle de ne pas vouloir lui accorder de prêt. Un autre client, visiblement heureux d'avoir déjà bénéficié de prêts de la banque, soutient que, hormis la paperasse à fournir dans le cadre d'une demande crédit, tout se passe généralement bien. Les appréciations divergent, puisqu'un autre client dit avoir menacé de fermer son compte pour que sa banque se décide, au bout du compte, à lui octroyer un prêt sollicité depuis plusieurs mois. « Lorsque j'ai menacé de fermer mon compte, le responsable de l'agence m'a reçu et a donné des instructions pour qu'on fasse droit à ma demande », relate ce client qui dit être désabusé par une telle attitude.

Il n'y a pas qu'à ''La Générale qu'on dénonce des lourdeurs administratives pour le traitement d'un dossier de demande de prêt. Des clients rencontrés à l'agence principale de la Boa Côte d'Ivoire (Bank of africa) à Abidjan-Plateau, le lundi 19 février 2018, se plaignent également de cette situation, et sont formels que cette banque, en plus d'être très chère en matière de crédit, met jusqu'à 2, voire 3 semaines avant d'accorder un prêt. « La norme en terme de délai d'octroi de prêt est généralement de 72 heures », croit savoir notre interlocuteur.

Critères

Du côté des banques, c'est clair, il n'y a aucune difficulté à octroyer un crédit à un client ou même à une entreprise. Il faut tout simplement, selon certains responsables qui ont accepté de lever le coin de voile sur la question, remplir un certain nombre de critères. Dans toutes les banques où nous sommes passés, le message était d'ailleurs le même. « Les taux pratiqués par les banques ne sont cachés du public. Il suffit simplement de regarder sur les sites des banques et vous verrez dans la rubrique intitulée ''Conditions bancaires'' tous les taux d'intérêts pratiqués », ont avancé unanimes des dirigeants de banques. Cependant, d'une banque à une autre, il existe quelques spécificités, l'idée étant d'attirer vers la banque le plus de clients.

A la Société générale de banque de Côte d'Ivoire (Sgbci), les prêts à la consommation, a-t-on appris, s'étendent sur une période de 18 mois à 7 ans. Dans les prêts à la consommation, on retrouve les prêts Saint Valentin, prêts scolaires, prêts pour réaliser un projet ou acheter une voiture, équipements de maison, travaux de réhabilitation, tout ce qui est lié à la consommation. L'un des responsables de cette banque qui nous a reçu à son bureau à l'agence principale du Plateau, le mardi 13 février 2018, explique que pour avoir un prêt à la consommation dont le terme est fixé à 7 ans, il faut bien remplir un certain nombre de conditions. De 18 mois à 36 mois, le taux de crédit varie entre 8 et 12,80 %. Entre 48 mois et 60 mois, le taux varie entre 9 et 13%.

« Ces prêts sont accordés en fonction de la qualité de l'entreprise et du type de client. Si c'est un client fonctionnaire ou entreprise, si je suis employé du privé et que l'entreprise dans laquelle j'exerce ne présente pas de risques du point de vue de ma banque, je peux bénéficier d'un prêt qui va jusqu'à 7 ans. Si je suis un agent de la Fonction publique, en général, on sait que c'est l'État, donc c'est plus fiable, on peut aller jusqu'à 7 ans. Mais pour les travailleurs du privé, en fonction du risque que présente l'employeur, la banque peut fixer un prêt allant jusqu'à 6 ans », détaille ce banquier qui précise que les clients ou entreprises qui ne présentent pas de risques, sont prioritaires dans l'octroie de crédits. Ce dernier insiste qu'il existe aussi une certaine flexibilité au niveau des taux pratiqués par la banque. « Les taux ont été réaménagés à l'avantage du client. Ainsi, c'est en fonction de la qualité du client, en termes d'équipements clients, que le taux va être fixé. C'est-à-dire qu'on regardera tous les produits qu'un client a au sein de la banque. S'il détient beaucoup de produits au sein de la banque, son taux ne sera pas le même que pour celui qui a un seul produit. Ça veut dire que ce client-là, quelque part, apporte déjà quelque chose à la banque. Il aura un taux beaucoup plus bas », justifie notre interlocuteur.

Les prêts immobiliers sont des prêts dont la périodicité est fixée de 3 à 20 ans. Les durées de remboursement des prêts sont très longues, étant donné qu'il s'agit de montants assez élevés. Il s'agit, par exemple, de prêts sollicités pour l'achat d'un terrain et la construction de maison. Les taux fixés sont variables. De 3 à 7 ans, le taux fixé par ''La Générale'' est de 10,50 %. De 8 à 10 ans, 11 % et de 11 à 20 ans, 11,50 %. L'agent de banque a confié que des taux exceptionnels sont souvent fixés pour des campagnes. « De juillet 2017 à décembre 2017, nous avons fait une campagne de prêt immobilier à 6 %. Elle s'inscrivait dans la dynamique d'accompagner le gouvernement de Côte d'Ivoire dans sa volonté d'offrir des maisons à une grande majorité d'Ivoiriens », a mentionné le responsable de la banque. Il a précisé que des garanties sont prises pour les prêts immobiliers. « Par exemple, en cas de prêt contracté pour la construction d'une maison, la banque prend un nantissement sur la maison. C'est-à-dire que tant que la personne ayant contracté le prêt n'as pas fini de rembourser, la banque a la possibilité de venir saisir la maison », a souligné le banquier.

Particularité

La nouvelle agence principale d'Écobank à Abidjan-Plateau nous a ouvert également ses portes, à l'occasion de notre enquête sur les prêts consentis par les banques. Le responsable de ladite banque qui nous a reçu à ses bureaux, le lundi 19 février 2018 à 12 heures, a préféré parler sous le couvert de l'anonymat. Avec lui, nous apprendrons que les taux pratiqués pour les prêts à la consommation varient de 8 % à 13 %, avec des durées allant de 12 mois à 60 mois. Le taux du crédit immobilier est quant à lui de 9,5 % pour une durée de 240 mois (20 ans). « Les conditions pour avoir un crédit chez nous, c'est d'être un employé de la liste de nos entreprises partenaires. C'est-à-dire les entreprises qui ont leurs comptes domiciliés chez nous et qui ont aussi une bonne signature. Pour les agents de l'État, nous faisons le prêt d'office », informe ce banquier qui ajoute que la particularité d'Écobank, c'est qu'elle rachète les prêts de certains clients. « Par exemple, si vous avez contracté un prêt de 10 millions de Fcfa avec une autre banque, nous rachetons ce prêt et nous vous octroyons un autre crédit », a insisté notre interlocuteur, faisant remarquer que chez eux, c'est la flexibilité des taux. Mieux, il ajoute que la banque n'a pas de coût caché, ni de taux caché. Répondant à certaines positions selon lesquelles le crédit est cher en Côte d'Ivoire, le banquier a eu une réaction claire. « Le crédit n'est pas cher. Seulement qu'en Côte d'Ivoire, on ne prête qu'à celui qui a la quotité (la quotité saisissable est le taux maximum que la banque peut saisir en cas d'insolvabilité du client, ndlr). Si tu n'as pas la quotité, on ne peut pas te prêter de l'argent. Ici, les conditions sont un peu rigoureuses, parce que la Côte d'Ivoire n'est pas adressée. Par exemple quelqu'un peut être dans une entreprise, prendre un prêt, puis deux jours après, cette même personne se retrouve dans une autre entreprise qu'on ignore. On fait comment pour recouvrer le prêt ? », s'interroge notre interlocuteur. Ce dernier nous a informé, par ailleurs, que dans d'autres banques, il existe une assurance qui accompagne le prêt qui est dénommée assurance perte d'emploi.

Conventions

La Boa a donné également son mot relativement aux différents prêts accordés aux clients des banques. Une source proche de cette structure, jointe au téléphone en fin d'après-midi lundi 19 février 2019, confie que le Taux de base bancaire (Tbb) fixé par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'ouest (Bceao) est de 10,75 %. « Toutes les banques sont censées pratiquer un taux au-dessus de ce taux pour rentabiliser leurs activités de crédit », mentionne ce banquier qui s'offusque du fait que pour des soucis d'avoir plus de clients, des banques pratiquent des taux en deçà du Tbb. Mais mieux, un autre topo pour attirer des clients, c'est le fait que des banques signent beaucoup de conventions avec des entreprises. « Dans ce cas de figure, les taux de crédit sont fixés à la tête du client », a-t-il dit. A la Boa, le prêt à la consommation ou prêt d'équipements a une durée qui va jusqu'à 5 ans, et le taux se situe dans la fourchette de 12 à 13 %. Le prêt immobilier est à un taux de 11 %. La masse salariale d'une entreprise et le nombre d'employés sont des éléments sur lesquels, toujours selon notre interlocuteur, la banque s'appuiera pour fixer les taux de crédit. « Les montants prêtés sont fonction de la quotité. La Bceao n'autorise pas de donner un prêt au-delà de la quotité », insiste l'agent de la Boa.



Bon à savoir

Quand on met en place un prêt, il y a le taux du prêt que la banque va appliquer, l'assurance fixée par rapport à la sécurité du prêt et les frais de dossiers. Ce sont ces différents frais cumulés, qu'on appelle le Taux effectif global (Teg) et qui est fixé par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (Bceao). Le Teg est la traduction, sous forme d'un taux, du coût réel d'un crédit immobilier ou d'un crédit à la consommation. Le Teg, conformément aux dispositions de la loi n°2005-555 du 02 décembre 2005, ne peut excéder le taux d'usure (taux mis en place pour éviter aux crédits d'atteindre des taux excessifs. Par exemple, avec un taux d'intérêt de 10,80%, une durée de remboursement de prêt de 18 mois, l'assurance décès 0,75 % et les frais de dossiers 1,50 %, le Teg est de 12,036 %.

source : L'Inter    |    auteur : Irène BATH

A voir egalement

Publicité
Publicité