Papa Wemba est mort, vive l'artiste ! Maître d'école, son dernier album sur le marché du disque, constitue en effet un parfait témoignage de l'oeuvre de ce natif de Kasaï oriental, au centre de la RD Congo. Un opus « 100 % rumba » pour « redonner un souffle nouveau » à ce genre de musique face à la montée en puissance du coupé-décalé ivoirien et de la « naja music » du Nigeria, nous expliquait-il en avril 2014 lors de
son dernier passage à Jeune Afrique.
Toujours bien habillé, ce grand chantre de la sape nous confie alors ce jour-là ses craintes de voir la rumba congolaise perdre ses repères, « s'éloigner des fondamentaux » qui ont fait sa force depuis des décennies. Avec ses 25 dernières chansons dans le bac, Papa Wemba « [replace] le solo à la guitare au centre de la mélodie ». Comme pour passer le relais à la nouvelle génération, il fait appel notamment à JB M Piana et à Barbara Kanam pour deux featurings mémorables.
Presque deux ans plus tard, je recroise le « Vieux » à Brazzaville. Au port. Il a l'air serein, loin des rumeurs qui annonçaient déjà sa mort au début de l'année. Il souffrait de la malaria et avait été hospitalisé durant dix jours en France, avait-il confié à la mi-mars au chroniqueur congolais Naty Lokole. Nous nous apprêtions à traverser le fleuve, à Kinshasa. C'était l'effervescence. Tout le monde voulait le voir, à défaut de le toucher. « Magrokoto, grand prêtre ! », lui lance la foule enthousiaste. « Magrokoto, ba yaya », leur répond-il, les deux poings serrés. C'est ainsi qu'on se salue à Molokaï, le « village » institué par Papa Wemba.
Aujourd'hui, c'est le chef du village qui est mort. Le roi incontesté de la rumba disparaît. Pas ses oeuvres !