L'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne à l'épreuve de la jurisprudence Thiam : quels droits pour la diaspora ?

  • publiè le : 2025-04-25 20:58:33
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L'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne à l'épreuve de la jurisprudence Thiam : quels droits pour la diaspora ?
Plaidoyer pour la protection des droits de la diaspora ivoirienne face à l'application de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne.

L'affaire Tidjane Thiam, récemment portée devant la justice ivoirienne, a ravivé le débat sur l'interprétation de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne. En posant la question de la perte de nationalité pour les Ivoiriens ayant acquis une nationalité étrangère, cette jurisprudence soulève de profondes inquiétudes juridiques pour des millions de membres de la diaspora. Cet article propose une lecture critique du texte en vigueur, examine ses implications pratiques, et plaide pour une réforme garantissant les droits fondamentaux des citoyens ivoiriens au-delà des frontières nationales.

Introduction

La diaspora ivoirienne joue un rôle essentiel dans la vie économique, sociale et culturelle du pays. De nombreux Ivoiriens vivant à l'étranger contribuent activement au développement de la Côte d'Ivoire, aussi bien par leurs transferts financiers que par leurs compétences et leur rayonnement international. Cependant, l'application de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne soulève une inquiétude légitime : celle de voir certains membres de cette diaspora perdre leur nationalité ivoirienne du fait de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère. L'affaire Tidjane Thiam, en particulier, a mis en lumière les limites juridiques de cette disposition et les risques d'interprétation arbitraire.

Texte de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne

Que dit l'article 48 :

"Perd la nationalité ivoirienne, l'Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ou qui déclare reconnaître une telle nationalité."

"Toutefois, pendant un délai de quinze (15) ans à compter de l'inscription sur les tableaux de recensement, la perte est subordonnée à l'autorisation du Gouvernement par décret pris sur rapport du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et après avis du Ministre de la Santé publique et du Ministre de la Défense nationale."

Problématique posée par l'affaire Tidjane Thiam

Dans un jugement très controversé, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a considéré que M. Tidjane Thiam, ayant acquis la nationalité française, avait perdu la nationalité ivoirienne. Cette décision suscite de nombreuses interrogations au sein de la diaspora. En effet, la perte de nationalité ivoirienne n'est pas automatique : elle est conditionnée, pendant un certain temps, par une décision gouvernementale.

Analyse juridique de l'article 48

L'article 48 comprend deux alinéas qui doivent être interprétés conjointement.

Le premier alinéa pose le principe selon lequel l'Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une autre nationalité perd la nationalité ivoirienne.

Le second alinéa introduit une condition importante : pendant les quinze (15) années suivant l'inscription sur les tableaux de recensement, la perte de nationalité n'est possible que si un décret gouvernemental l'autorise.


Cette disposition vise à protéger les Ivoiriens résidant à l'étranger de la perte automatique de leur nationalité. Ainsi, à moins qu'un décret ne soit pris, même un binational conserve sa nationalité ivoirienne pendant cette période.

Que se passe-t-il après les 15 ans ?

La loi est silencieuse sur le sort de la nationalité ivoirienne après l'expiration du délai de 15 ans. Trois interprétations sont possibles :

1. La perte devient automatique après les 15 ans, ce qui poserait un grave problème juridique en raison de l'absence de base légale expresse.


2. La perte continue de dépendre d'un décret même au-delà des 15 ans, ce qui garantirait une sécurité juridique et le respect des droits fondamentaux.


3. Une zone de vide juridique s'ouvre, rendant l'application de l'article incertaine.



L'interprétation la plus protectrice, et conforme au principe de légalité, est la deuxième : en l'absence de décret, il ne peut y avoir de perte automatique de la nationalité.

Conséquences pour la diaspora ivoirienne

Cette incertitude juridique menace directement les droits civiques, politiques et patrimoniaux des Ivoiriens vivant à l'étranger. Cela peut aussi avoir des conséquences sur la transmission de la nationalité à leurs enfants, l'héritage, le droit de vote, ou encore l'éligibilité à certaines fonctions publiques.

Les tableaux de recensement dont parle l'article 48 sont des listes officielles établies par l'État ivoirien, recensant les citoyens ivoiriens résidant à l'étranger.
Ces tableaux, gérés par les missions diplomatiques et consulaires, jouent un rôle clé dans l'application de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne.

Selon cet article, un citoyen ivoirien qui acquiert une autre nationalité ne perd pas automatiquement sa nationalité ivoirienne, tant qu'il est inscrit sur ces tableaux et qu'aucun décret ne lui retire sa nationalité dans les 15 ans suivant son inscription.
Cependant, en pratique, ces tableaux sont souvent mal actualisés, et nombre d'Ivoiriens vivant à l'étranger ne sont ni informés de cette obligation, ni formellement recensés. Ce manque de transparence et de suivi peut entraîner des situations d'incertitude juridique et administrative, où des citoyens risquent de perdre leur nationalité sans en être pleinement conscients. Cela soulève une question cruciale : dans quelle mesure l'État ivoirien assure-t-il un véritable suivi et une communication claire sur ces formalités, surtout en ce qui concerne les Ivoiriens de la diaspora ?


Appel à la réforme et à la clarification

Nous appelons les autorités ivoiriennes à :

1. Clarifier l'article 48 pour préciser le sort de la nationalité au-delà des 15 ans.


2. Reconnaître le rôle vital de la diaspora dans la construction nationale.


3. Garantir la double nationalité de façon explicite, comme le permet déjà l'article 45 du même Code.

Conclusion

Le droit à la nationalité est un droit fondamental. L'État ivoirien ne peut, sans base légale claire et sans respect d'une procédure transparente, retirer ce droit à des millions de ses fils et filles à l'étranger. Une nation forte est celle qui reconnaît, respecte et protège tous ses citoyens, qu'ils vivent sur le territoire national ou à l'étranger.
source : IVOIRTV.NET    |    auteur : NKS

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